3 août 2010

UN SONGE: Une Main, partie pour le tout 3/5

Rappelons les faits: vers 1920, Colette n'appartient plus aux courants artistiques novateurs, bien qu'elle reste, par sa vie et ses écrits, un modèle d'émancipation féminine pour toute une jeunesse qui veut oublier la guerre. Les romans de Colette explorent alors les relations entre la femme vieillissante et ses jeunes amants. Il s'agit aussi dans Chéri et la Naissance du jour du point d'orgue d'une vie de séductrice.
Je persiste à penser que le recueil la Femme cachée résonne dans ses meilleurs moments des nouvelles tendances artistiques de l'entre-deux-guerres.
Pour faire état de cette imprégnation éphémère entre Colette et une certaine avant-garde des années vingt, il convient de circonscrire les termes. Dans sa nouvelle la Main, Colette baigne les deux personnages dans le sommeil ou dans une veille léthargique qui en est proche. Cette nécessaire semi-conscience rappelle les préoccupations surréalistes. Les transgressions, une certaine exploration sensible, sont ainsi rendues possibles.
Bataille, lui, ne s'embarrasse pas de ces subterfuges. Il aspire à une autre appréhension du corps qui inclut aussi le social, la civilisation telle que son temps la comprenait. Cette forme pervertie n'appelle aucun état intermédiaire, sommeil ou hypnose, pour s'exprimer. En cette époque, les lois avalisent le démantèlement et la fragmentation (supplices chinois, guillotine...) et Bataille en est fasciné.
Colette use d'un procédé métaphorique comme d'un sas de décompression qui préparerait son lecteur et son héroïne à une situation nouvelle, passant du romanesque au sarcasme, du lyrisme à la désillusion du quotidien.