Prenez un provincial vivant à l'écart des grandes manifestations médiatiques et culturelles. Immiscez-le sans préavis dans un grand musée parisien et recueillez ses réactions. N'établissez aucun parallèle hâtif avec Hibernatus... Et suivez le cobaye!
On ne verra pas dans les observations suivantes l'aigreur cacochyme du c'était mieux avant.
Et bien que mes arguments ne relèvent pas exactement du même champ, cette récente expérience aura quelques accointances, et différences, avec les observations d’Olivier Deprez *.
Notre personnage, ici énoncé à la première personne, vit de ses souvenirs, de ses lectures. Il sacralise sans doute à l'excès ce que l'art est susceptible d'apporter à un individu. Il se réjouit à l'avance de ces retrouvailles avec le grand patrimoine de la capitale... Une déception s'insinue. Aurais-je changé?
Les sensations au sein de ces institutions ne favorisent guère l'attention flottante entre les entités exposées. Elles empêchent un tissage patient, ténu entre les œuvres qui ontologiquement nous dépassent. Je prise plus que tout ce funambulisme amateur que cette organisation consciente me refuse.
Les paravents captent désormais l’essentiel de mes vestiges sensoriels. On ne déambule plus … On traverse un dédale de corridors, de vestibules aux proportions démesurées. On franchit des niveaux. L’architecte et son commanditaire s’imposent à nous, ils s’interposent. L’architecture et la foule en tant qu’attractions suffisent à nous absorber, à nous guérir de toute tentation de quête fragile. On en oublierait pour un peu que l’espace ici est coquille ou écrin* par fonction, qu’il ne devrait pas s’imposer mais s’abstraire au profit de ce qu’il est censé présenter.
À titre d’exemple, le centre « névralgique » du Louvre ressemble à un hall d’aéroport à la fois impersonnel et sonore avec portiques et quais d’embarquement. La visite s’apparente à un kit de voyage. On en connait par avance la destination. Les espaces de circulation nous engloutissent, provoquent une fatigue, une contrariété par un parcours imposé et dépourvu de cette neutralité, de cette modestie nécessaire à l’ouverture des sens. La Victoire au bout de l'escalier perd un peu de son attrait. La rampe du Musée du Quai Branly rappelle celle imaginée par Wright à New York, mais dans une sorte de no man’s land, s’enroulant autour des réserves, offrant aux alentours un paysage de caisses abandonnées et de vestiaires désertés. On nous assène que l’objet culturel se mérite en nous imposant le sens, un déplacement qui parodie cyniquement un cheminement intérieur ou initiatique.(...)