13 juin 2009

Un surréalisme vivifiant

Pour Un songe, je recherche encore un fil conducteur. Nommons le pompeusement l’esprit du cinématographe, une rythmique qui soit fidèle aux années folles. J’en suis venu à croire que les films des années 1920 ne correspondaient plus à l’idée que l’on s’en fait aujourd’hui, qu’un hiatus s’était institué entre cette provocation première et une vision désormais patrimoniale. Je supposais que des modèles méconnus ou perçus pour d’autres mérites, quelque part , n’avaient rien perdu de cette violente aura... de cette élégante pulsion qui ne sacrifierait pas à quelque charleston mécanique, qui se dissimulait peut-être en d’autres médiums, littéraire ou photographique, ou parmi des tentatives ultérieures…
Il est sûr que l’on ne peut s’abstraire de René Clair, de Hans Richter, de Jean Vigo… ou de Cocteau… non que celui-ci soit toujours un inventeur mais il parvient à fédérer en images mobiles l’esprit à la fois libre et guindé de son époque. Je voyais en Cocteau un réceptacle, une œuvre qui, à force de miroiter ce qui l’entoure, catalyse et autarcise… j’en oubliais certains auteurs qui ont su l’apprécier sans céder au décalque pittoresque.
Meshes of the Afternoon (1943) de Maya Deren possède une forte connotation psychanalytique comme en seront imprégnés les milieux artistiques américains de l’après guerre. Mais si l’on dépasse ce symbolisme appuyé qui se substitue à d’autres avatars, à d’autres attributs moins freudiens, on est frappé de ce rapport immédiat et physique à ce qui l’entoure, objets, matières, lumières, à sa façon de les mettre en relief, de leur force narrative née d’un découpage maniaque, de vrais agencements cinématographiques mis au service d’une expression intime. L’autoreprésentation de Maya Deren, aussi, nous touche fortement. Ses mouvements ne sont pas ceux que l’on attend d’une comédienne, sa physionomie farouche et sensuelle défie les canons hollywoodiens et résiste davantage au temps que l’attirail pin-up. Le fantasme féminin prend valeur d’exemple dans une transposition très métaphorique. Maya Deren s’approprie le Surréalisme poétique et plastique, plus proche sans doute de la souplesse onirique du Sang d’un poète que du dogmatisme de Breton. On reconnaît cet inventaire surréalisant échappé des tableaux de Ernst ou de Chirico, des sculptures de Giacometti ; œil, couteau, clé, rideau, silhouette, porte, fleur ... Partage-t-elle pour autant ce répertoire muséal qui, chez Cocteau, naturalise et parfois dessèche? Plus de soixante ans après sa création, l’art de Maya Deren ne se départit pas d’une puissante candeur.