Filmer son propre parcours en caméra subjective est sans doute un parangon de la vidéo portable et numérique, image frustre et représentative d’un film à vide, sans contenu ni intention, errance qui génère et illustre son propre moyen. Ce procédé n’oblige à aucun modèle, aucun acteur, aucune spécificité technique ou conceptuelle du cinématographe. Il accompagne le mouvement de la marche ou de la course, accentue le souffle et les chocs mécaniques des membres, pieds sur le sol, bras heurtant le buste ou ballants….
Cette utilisation « naturelle » de la caméra ne se rapporte pas à son usage strictement portatif : on en trouve des déclinaisons prestigieuses au temps du cinéma muet, avec Freund filmant le Dernier des hommes, chez Epstein ou Dreyer. Karl Freund, un des chefs opérateurs les plus inventifs, une valeur ajoutée aux talents de Murnau*, oppose ces vues vacillantes heurtées à l’objectivité hautaine du monde ambiant, le tourment intérieur du portier, personnage central, à la perception majoritaire.
Mes maigres tentatives s'attèlent actuellement à cette question basique du mouvement, ainsi qu'aux dichotomies perpétuées au montage: aller de l’avant, s’en retourner, gauche/droite, regarder en arrière, latéralement…
Cette pastille, échantillon de laboratoire à usage non systémique, est aussi redondante. Elle reprend un truc déjà employé dans Eblouissement**.
La profondeur revendiquée de la seconde pastille se fragmente, se heurte désormais à l’absence d’horizon.
Considérant qu’il n’y a qu’un aller physiologique et plusieurs retours, n’est-ce pas la caméra seule qui permet ces élans défiant l’amnésie, ces persistances schizophréniques?
* Lotte Eisner (Murnau, 1964) développe cette théorie des collaborateurs en confrontant les synopsis, découpages et journaux de tournage… Sans nier le génie de Murnau, elle montre l’emprise artistique de Freund et Mayer. La polémique est facile et Eisner, tout en l’entretenant, montre à quel point elle repose sur des propos calomnieux ayant trait à la vie personnelle de Murnau.