11 janvier 2009

Digression prévisible

L'art forain fut longtemps méprisé des élites. Divertissements mécaniques, figures au vernis de carrossier, horlogeries de bastringue entretenaient l'imaginaire populaire, enjolivaient les dimanches... Plusieurs ateliers européens fournissaient les professionnels en vue de contenter les clients toujours friands de nouvelles attractions: chinoiseries, décors rococos, loteries à figures, animaux de la ferme destinés à convertir le monde rural aux vertus de l'entertainment , jeux de massacre permettant le défoulement et la réconciliation sociale (après 1945, les forains ont peut-être empêché, par leurs jeux, quelques violences en sus à la mesure de celles endurées). Ajoutons quelques grotesques avec mouvements alternatifs des pieds qu'il fallait coiffer d'un cerceau, des carrousels-salons, microcosme mécanique, foisonnement de la miniature et de l'automate, et le décor mental semble dressé...
Patine de l'usage et masques ripolinés contre l'usure modifient peu à peu les objets, qui prennent par instant l'apparence d'amulettes surdimensionnées, de dagides, d'ex-votos de bazar.
Quelques films des origines complètent le parcours... Dans Les métamorphoses du papillon, bande colorisée à la main, l'insecte se développe de la nymphe au stade adulte, et l'imago prend l'apparence d'une femme... La Loïe Fuller, bien que réservée au grand monde, se nourrit des mêmes inspirations.
Au Musée de Montbéliard*, j'étais allé scruter les chevaux, cabrés et sauteurs, montures potentielles de l'amazone et d'Achille, et m'y suis laissé prendre....
Tout me rappelle mes obsessions:
Esmeralda, les mécanismes de Duchamp pour Un Songe, le jeu de massacre sur lequel Mirbeau lancerait sa boule de chiffon.. On se fabrique sa propre baraque foraine; on peine souvent à la quitter, au risque de ressasser...
*Musée du Château des Ducs de Wurtemberg, tous les jours sauf le mardi de 10h à 12h et de 14h à 18h, j
usqu'au 1er février 2009.