Absorbé actuellement par la technologie numérique, ses possibilités insondables et ses abysses potentiels, il ne m’est plus guère possible d’enrichir d’autres projets que celui du Jardin des supplices. Pour la première fois, ce n’est pas la table de montage, désormais tellurique et monstrueuse qui a la primeur, mais un découpage graphique dont le montage ne sera qu’une variante projective.
Revenons de ce fait aux papillons, aux gravures entomologiques et autres digressions vidéo.
Le rêve du papillon repose sur une vieille tradition chinoise, celle du philosophe Zuangzi*. L’homme sage rêve qu’il est papillon qui lui-même rêve qu’il est Zuangzi. Cette mise en abyme illustre la force du rêve qui abolit les frontières intimes de la personnalité. Le court métrage d'Alain Mazars** s’inspire de cette histoire et l’ancre dans une Asie élégiaque et mythique. L’autre célébrité exemplaire est l’homme-aux-loups qui, entre autres troubles, conçut une terreur presque insurmontable à l’égard de notre lépidoptère et bénéficia d’une analyse par Freud soi-même. Dans Cinq psychanalyses, ce dernier relève qu’en russe Babouchka désigne à la fois le papillon et la vieille petite mère. J'ignore si Thomas Mann s’est inspiré du susnommé Sergueï Pankejeff pour imaginer la psyché*** d’Adrian Leverkühn…
* Cette réversibilité n'a pas manqué d'intéresser Lacan: ce site reprend les textes lacaniens inspirés par la Chine.
** Ce film mériterait à lui seul d'autres développements: la seconde partie l'ouvre à d'autres références fortes et universelles.
*** Le papillon, rappelons-le, symbolise l'âme débarrassée de son enveloppe charnelle, et ce dans différentes civilisations: Grecs, Aztèques, etc.