28 octobre 2008

Monologuons

Les livres des autres ont percé le mien jusqu’aux os (…)
Mon illusion revient à croire que je me trouve dans une solitude absolue où chacune de mes créations ne rayonne vraiment que pour moi ; et pour achever de me perdre.
Extrait de l’œuvre romanesque complète de Joë Bousquet, Il ne fait pas assez noir, Albin Michel,1979

Désiré ou craint, cet état autarcique résume bien des contradictions.. Et l’on se perd en soi-même, on fabrique des mirages, on se complait dans un monde, omniscient, puissant, potentat ridicule d'un territoire imaginaire... et malheureux de l'être...
À l’heure du web, une visibilité absolue, à laquelle je contribue dans une moindre mesure, banalise, régit, fragilise le sentiment créateur en même temps qu’elle l’expose, le revendique. Prolifération où le pourrissement est virtuel, inodore, invisible, où la destruction tient en un clic...
Se présenter aux autres devient facile mais anodin.
Davantage de craintes se font jour, à l’égard de ce que l’on tente d’accomplir, de ceux que l’on admire, leur main, de leur cœur supposé, fantasmé, de leurs constructions mentales que l’on croit percevoir (vanité), de ce que l’on voit, et même de ce que l’on montre.. que l’on partage sans se voir, sans en connaître les effets..
Aucun visage, et peu de mots restent à interpréter..
Monologuons…

Et ce silence virtuel, si on le déplore parfois, on en est aussi honteusement soulagé…
Une homonymie détestable occulte le nom de Joë Bousquet. Lui fût grand. Son expérience poétique peut ici résumer nombre de sentiments créateurs, malgré ou à cause de la guerre qui le cloua sur un lit, de la jeunesse jusqu'à sa fin. La presse l’évoque à nouveau, à propos d’un ensemble récemment publié, échange épistolaire avec une égérie.